À partir de l’exercice d’imposition 2024, un loyer professionnel n’est plus automatiquement déductible.
En effet, la loi du 28 décembre 2023 portant des dispositions diverses (Moniteur belge du 29 décembre 2023) a introduit de nouvelles conditions pour la déduction de ce type de loyer en tant que frais professionnels, parmi lesquelles l’obligation de préciser l’identité du propriétaire.
L’article 83 de la loi précitée complète en effet l’article 53 CIR 92 par la disposition suivante :
« 33° le loyer et les avantages locatifs attribués ainsi que les indemnités et avantages attribués en vertu d’un droit de superficie, d’un droit d’emphytéose ou d’un autre droit réel d’usage sur un bien immobilier, lorsque :
a) l’obligation visée à l’article 307, § 2/2, n’a pas été respectée pour ces frais ; ou
b) le loyer et les avantages locatifs attribués qui portent sur un bien immobilier donné dont le contrat de bail a été enregistré gratuitement conformément à l’article 161, 12°, a) ou b), du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe ou aurait pu être enregistré gratuitement, conformément à ces dispositions, lorsqu’il s’agit d’un bien immobilier situé en Belgique, sauf si ce bien immobilier est loué par le contribuable dans le seul but de loger un ou plusieurs travailleurs ou dirigeants d’entreprise et, le cas échéant, leur famille en vertu d’une obligation légale ou contractuelle ».
À l’article 307 CIR 92, désormais visé à l’article 53 CIR 92, un paragraphe 2/2 est ajouté, précisant que :
« § 2/2. Lorsque le contribuable est locataire d’un bien immobilier ou titulaire d’un droit de superficie, d’un droit d’emphytéose ou d’un autre droit réel d’usage sur un bien immobilier et que le contribuable est une personne morale qui est tenue de rentrer une déclaration à l’impôt sur les revenus ou est une personne physique qui déduit tout ou partie des indemnités locatives pour ce bien immobilier ou des indemnités pour la constitution ou la cession de ce droit comme frais professionnels réels, la déclaration doit inclure une annexe contenant les informations suivantes :
a) les données d’identification du ou des loueurs ou de la ou des personnes concédant un droit de superficie, un droit d’emphytéose ou un autre droit réel d’usage, par bien ;
b) l’adresse du ou des biens immobiliers ;
c) le montant des indemnités locatives et des indemnités pour un droit de superficie, un droit d’emphytéose ou un autre droit réel d’usage sur un bien immobilier payées ou attribuées au cours de la période imposable concernée, par bien ;
d) lorsque le contribuable est une personne physique, la partie des montants visés au c) déduits à titre de frais professionnels réels ;
e) lorsque le contribuable est assujetti à l’impôt des sociétés ou est un contribuable visé à l’article 227, 2°, le montant des indemnités locatives et des indemnités pour un droit de superficie, un droit d’emphytéose ou un autre droit réel d’usage sur un bien immobilier, déduit à titre de frais professionnels dans la période imposable concernée.
Les données d’identification visées à l’alinéa 1er, a), sont :
a) lorsqu’elle concerne une personne physique :
– le nom, le prénom et l’adresse complète ;
– le cas échéant, le numéro d’identification du Registre national ou du registre d’attente ;
– le cas échéant, le numéro d’identification de la Banque-carrefour des Entreprises ;
b) lorsqu’elle concerne une personne morale :
– la dénomination, l’adresse complète du siège social ;
– le cas échéant, le numéro d’identification de la Banque-carrefour des Entreprises.
Pour l’application du présent paragraphe, on entend par :
– loueur : la personne sur laquelle reposent les obligations visées à l’article 1719 du Code civil ;
– indemnités locatives : le loyer et les avantages locatifs accordés au loueur ;
– indemnités pour un droit de superficie, un droit d’emphytéose ou un autre droit réel d’usage sur un bien immobilier : les redevances pour ce droit de superficie, droit d’emphytéose ou autre droit réel d’usage ainsi que tout autre avantage accordé en vertu de ce droit réel d’usage au cédant du droit. »
La notion d’indemnités pour un droit réel d’usage sur un bien immobilier doit aussi être comprise au sens large : outre les termes propres sont visées toutes autres indemnités qui sont octroyées à la personne qui accorde le droit. Ceci est en ligne avec la description du revenu imposable de l’article 10, § 1er, CIR 92 si le bénéficiaire est soumis à l’impôt des personnes physiques ou à l’impôt des personnes morales.
Par analogie avec l’article 57, alinéa trois, CIR 92, il n’y a pas d’obligation de communiquer les données en ce qui concerne les indemnités locatives ou pour un droit réel sur un bien immobilier lorsqu’une facture a été établie pour ces indemnités.
Les renseignements doivent être fournis, indépendamment de la qualité du propriétaire ou de la personne qui accorde un droit réel sur le bien immobilier (et donc aussi si le propriétaire est soumis à l’impôt des sociétés).
Doivent également être communiqués les renseignements qui concernent par exemple les indemnités pour un droit d’usufruit, un bail de carrière ou un droit qui répond aux conditions reprises à l’article 10, § 2, CIR 92, même si ces indemnités ne sont pas imposables dans le chef de celui qui les perçoit.
Enfin, dans le seul but de respecter les obligations de ce paragraphe, les contribuables concernés ont l’autorisation d’utiliser le numéro d’identification du Registre national des personnes physiques ou du registre d’attente pour identifier les propriétaires ou les personnes qui accordent un droit d’emphytéose, un droit de superficie ou un autre droit réel s’usage. Ce numéro ne sera pas conservé plus longtemps que la durée prévue aux articles 315 et 315bis.
L’Autorité de protection des données ne voit pas, à propos de cette communication obligatoire, de problème en ce qui concerne le respect de la vie privée, mais demande uniquement de « s’assurer que le Projet répond bien à l’exigence de prévisibilité, de telle sorte qu’à sa lecture, éventuellement combinée à la lecture du cadre normatif pertinent, les personnes concernées puissent entrevoir clairement les traitements qui seront faits de leurs données et les circonstances dans lesquelles ces traitements sont autorisés. » (voir Avis standard n° 59/2023 du 9 mars 2023).
Les sanctions ne sont pas à négliger : si les renseignements concernant le bien pris en location ou le droit immobilier ne sont pas mentionnés en annexe à la déclaration, les loyers et les coûts des avantages locatifs octroyés, ainsi que les indemnités pour un droit réel sur un bien immobilier ne sont pas déductibles en tant que frais professionnels.
Il en va de même si les frais portent sur des biens immobiliers pris en location dont le bail est enregistré gratuitement parce qu’il s’agit d’un bien immobilier qui est exclusivement destiné au logement d’un ménage ou d’une seule personne (voir sur le site de la Chambre, le document 55K3607001.pdf)
Voilà donc encore une formalité pour le contribuable pour faciliter la tâche de contrôle de l’administration fiscale, où le contribuable perdra son droit à déduction s’il se montre négligent…
Le modèle de l’annexe à utiliser a déjà été établi par le ministre des Finances dans un avis de l’Administration générale de la Fiscalité fixant le modèle de l’annexe à joindre à la déclaration à l’impôt sur les revenus par le locataire d’un bien immobilier ou le titulaire d’un droit réel d’usage sur un bien immobilier, visée à l’article 307, § 2/2 du Code des impôts sur les revenus 1992 (Moniteur belge du 14 mars 2024).
Cette formalité obligatoire entre déjà en vigueur à partir de l’exercice d’imposition 2024, c’est-à-dire la prochaine déclaration fiscale !
Jurgen Soetaert
Rédacteur en chef adjoint
Avocat au barreau de Louvain
Cabinet d'avocats Advonet
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