Entre la réserve de liquidation et le dividende à taux réduit (15% et 20%) (dividende dit VVPRBIS) que choisir ?
Vers quel système (réserve de liquidation ou VVPRBIS) notre cœur doit-il balancer ?
En réalité, tout dépendra de la situation propre à chaque société et à chaque associé ou actionnaire.
Certes, le délai d’attente n’est que de trois ans pour le régime VVPRBIS, alors qu’il est de 5 ans dans celui de la réserve de liquidation. Ce qui a priori donne un avantage immédiatement perceptible pour le VVPRBIS. Toutefois, si la société doit être liquidée très rapidement, ce délai de 5 ans ne jouera pas et la réserve de liquidation est à privilégier. Le cardiologue ou l’avocat de 60 ans qui n’a pas rapidement besoin de liquidités et perçoit des honoraires élevés du fait de son expérience et sa réputation, peut parfaitement mettre tout son bénéfice dans une réserve de liquidation et sortir la réserve de liquidation avec une taxation de 10%, ce qui lui garantira un gain fiscal appréciable.
L’impact en termes de trésorerie doit aussi être pris en compte puisque le précompte mobilier sera payé par l’actionnaire dans le cadre du régime VVPRBIS, alors que dans le régime de la réserve de liquidation, c’est la société qui paie la cotisation anticipative de 10 %. En a-t-elle les moyens, car cette cotisation s’ajoute aux versements anticipés déjà payés ?
Un dividende payé dans la cadre du régime VVPRBIS ne réduira pas le bénéfice à affecter pour la période imposable, tandis que le paiement de la cotisation de 10 % par la société diminuera à due concurrence son bénéfice.
Il sera aussi pris en compte le désir ou non de rester associé dans l’entreprise pour une certaine durée : puisque le régime du dividende VVPRBIS est perdu dès qu’il y a changement d’actionnaire, ce qui n’est pas le cas dans le cadre de la réserve de liquidation, mieux vaut s’assurer au préalable de la durée estimée de détention de sa participation dans le capital de la société et de son implication dans l’entreprise.
On n’oubliera pas non plus que le régime VVPRBIS suppose une création ou une injection d’apport en numéraire qui doit être postérieure au 1er juillet 2013.
Un aspect purement financier doit aussi être intégré : grâce au régime de la réserve de liquidation, on fait une économie de 1,36 % par rapport au 15 % de précompte mobilier dans le régime VVPR bis. En, effet, le taux effectif de précompte de 13,64 % (100/110 x 15%) dans le régime de réserve de liquidation, mais la distribution effective des montants nets ne peut avoir lieu que dans 5 ans. En contrepartie, en payant immédiatement les 10%, on se prive d’un placement possible sur ces sommes et on consent un prêt sans intérêts de 5 ans à l’État en échange de 1,36 % d’économies (ce qui avouons-le ne se fait jamais avec plaisir). Comme disait Franc-Nohain, « Qui donne aux pauvres prête à Dieu ; qui donne au fisc prête à rire »
Un aspect qui plaide plutôt en faveur du régime VVPRBIS se situe dans la nature des besoins de l’actionnaire. S’il n’a pas un besoin structurel et régulier de liquidités, mais peut se contenter d’un dividende juste l’année où ce besoin se fera sentir, autant éviter d’alimenter chaque année une réserve de liquidation, et notre actionnaire s’accordera un dividende en temps opportun.
Rien n’oblige toutefois le dirigeant à constituer annuellement une réserve de liquidation, mais il lui faudra en ce cas attendre 5 ans et en 5 ans il peut survenir bien des événements plus ou moins heureux qui parfois requièrent d’avoir des fonds à bref délai.
Deux autres éléments doivent enfin être pris en considération si l’on opte pour la réserve de liquidation :
- d’une part, il faut s’assurer que la société puisse conserver des liquidités suffisamment longtemps pour n’avoir aucune difficulté à distribuer la réserve de liquidation, sinon la cotisation anticipative de 10% aura été payé en pure perte. Ce type de solution convient dès lors davantage aux sociétés qui ont des revenus dont on peut supposer qu’ils seront en hausse constante ou à tout le moins ne seront pas soumis aux fluctuations du marché. Cela conviendra donc mieux (en principe et sans généralisation hasardeuse) à certaines professions libérales en société. Une société tombée en faillite ou en réorganisation judiciaire aura payé en vain ses 10% et cette somme ne sera bien évidemment jamais pas remboursée par le fisc.
- d’autre part, en cas de vente d’une société qui a dans ses comptes une réserve de liquidation, le cédant n’oubliera pas d’intégrer dans son prix de cession des actions l’économie d’impôt qui peut s’avérer substantielle et dont profitera le cessionnaire. Ne pas intégrer ce critère dans la négociation est consentir un cadeau plus que généreux au repreneur.
En tout état de cause, la constitution d’une réserve de liquidation est une décision qui mérite réflexion et nécessite de s’entourer adéquatement.
Pierre-François Coppens
Conseil fiscal IEC. Juriste
Secrétaire général de l'Ordre des Experts Comptables et Comptable Brevetés de Belgique
www.coppensfiscaliste.be
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